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                Cette expression populaire fait penser à tel père, tel fils… où 
                l’on imagine tout ce que le fils peut recevoir d’influences de 
                son père et se trouver détenteur de sa manière de voir le monde, 
                de son caractère, etc. 
                Tel 
                maître, tel chien est plus souvent vu sous l’angle de la 
                ressemblance physique de l’animal avec son propriétaire. 
                   
                Une 
                étude scientifique menée aux USA et publiée il y a quelques 
                années dans la très sérieuse revue américaine « Psychological 
                Science » prétendait même démontrer cette tendance de l'homme à 
                choisir un compagnon canin qui lui ressemble. Ces chercheurs 
                concluaient que les personnes achetant un chien de race, le 
                choisissaient en fonction de ressemblances physiques ou de 
                traits de comportement communs. Conclusion qui permettait 
                d'écarter l'autre théorie portant sur une convergence physique 
                entre le propriétaire et son chien, qui serait liée à la durée de sa 
                possession. 
                  
                
                Diverses autres observations faites en France, font se demander 
                « quelle force circule entre deux êtres vivants, au point que 
                l’un puisse agir sur l’autre et façonner son style émotionnel ? »
                
                
                (Boris Cyrulnik)  
                Ces 
                observations veulent aller plus loin que la simple démonstration 
                du choix d’un chien sur sa ressemblance physique avec son 
                propriétaire.
                Elles font émerger comment les attentes, les émotions, le style 
                de vie, les idées reçues du ou des propriétaires d’un chien, 
                peuvent modeler celui-ci.
 
                
                L’histoire de Voltaire 
                
                  
                
                Bien seuls après le départ de leurs enfants, Gérard et Rosine 
                ont acheté Voltaire et investi très fort affectivement ce petit 
                compagnon à 4 pattes, qui bien sûr ne les lâche jamais d’une 
                semelle.  
                
                Madame fait seule les courses quand Monsieur bricole à la 
                maison, et inversement Madame fait son ménage quand Monsieur va 
                chez son kiné, pour ne pas se sentir coupables de laisser Voltaire seul.  
                
                « On n’a pas un chien si c’est pour le laisser seul, d’ailleurs 
                il nous est très attaché et n’aime pas cela du tout ! » 
                m’assurent-ils convaincus de bien faire, en se contorsionnant 
                pour ne jamais sortir ensemble.     
                
                Puisque selon eux on ne prend pas un chien pour le laisser seul, 
                alors le chien ne trouve jamais d'autonomie, si bien que le jour 
                où il faut aller tous deux à l’enterrement de l’ami de la 
                famille ou au baptême du dernier petit fils, on « abandonne » Voltaire (en 
                tout cas c’est vécu comme tel) à la voisine pour quelques heures 
                (mais faut-il que celle-ci soit là !) 
                Ce 
                qui devait arriver, arriva : la voisine a déménagé et le jeune 
                couple qui occupe désormais son appartement n’est pas si 
                disponible.  
                
                Tout en culpabilisant, Gérard et Rosine (en pleine démarche de 
                rénovation de leur intérieur) ont donc dû commencer à laisser 
                Voltaire seul, pour faire des choix de meubles et autres éléments 
                de déco (qui ne peuvent s’acheter qu’à deux) 
                
                Comme on pouvait s’y attendre, très insécurisé par ces absences 
                auxquelles il n’était pas habitué, et dans le plus grand 
                désarroi, Voltaire s’est mis à hurler et s'agiter en activités 
                motrices diverses provoquant des dommages collatéraux (appelés 
                "destructions") sur son 
                environnement.    
                
                D’abord compréhensifs et compatissants, les propriétaires de Voltaire 
                (Gérard surtout) se sont mis à voir d’un mauvais œil les 
                dégradations successives de leur bel appartement qu’ils 
                rénovaient petit à petit.  
                  
                
                Gérard se sentait de plus en plus esclave de l’animal vécu 
                désormais comme tyrannique, et "destructeur" de surcroît. Il 
                s’est mis à gronder et même rudoyer son chien (qui ruinait ses 
                efforts de réfection de l’appartement). 
                 
                Il 
                suivait les conseils entendus ici et là selon lesquels il était 
                grand temps de ne plus s’en laisser imposer ainsi par un chien 
                et qu’il fallait sévir sur lui ! Sans se rendre compte qu’il 
                préparait ni plus ni moins les prochains saccages aggravés, d’un 
                animal de plus en plus confus et incapable de produire un 
                comportement plus acceptable.  
                  
                
                Les attentes du couple avaient pourtant été 
                comblées :    
                  
                  
                  Très friands 
                  eux-mêmes de contacts Gérard et Rosine avaient « organisé » un 
                  petit compagnon très attaché: Voltaire était donc très 
                  dépendant.
                  
                  Redoutant pour 
                  eux-mêmes la solitude, ils lui avaient offert autant que 
                  possible leur constante présence et disponibilité : Voltaire était donc devenu 
                  "ventouse".
                  
                  Ignorants de 
                  l’impact du manque d’autonomie, ils n’avaient ni vu ni compris 
                  la détresse de leur petit compagnon lors de leurs absences, et 
                  n’y avaient évidemment pas proposé remède adapté : Voltaire 
                  n’a pas compris ces soudaines situations de solitude et n’a 
                  pas su s’y adapter. 
                  
                
                Minés par leur culpabilité sous-jacente, puis débordés par leur 
                propre colère : Gérard et Rosine ont d’abord grondé puis corrigé 
                Voltaire sans plus s’efforcer de le comprendre.  
                
                Pourquoi sanctionner ? Dans le but (par l'inconfort 
                provoqué) de supprimer 
                ou en tout cas de décourager l’apparition de tout futur acte 
                semblable. Un peu comme de vouloir faire reconnaître à Voltaire qu’il avait tort de se comporter ainsi et que s’il 
                s’obstinait, il lui en cuirait !    
                
                Voltaire n’était pas un humain qui aurait pu accéder à ce que l’on 
                attendait là de lui. Devenu nerveux et peureux il s’est 
                seulement mis à produire des comportements de plus en plus 
                inadaptés autant qu’inexpliqués. « Des pipis de 
                communication sur 
                ce mur et ce meuble parce que cet appartement m’insécurise, des 
                selles qui m’échappent en errant de pièce en pièce, des 
                grattages de la porte, des mordillements des coussins ou de ce 
                que je trouve sur mon chemin de déambulation anxieuse… actions 
                qui pour un instant me libèrent un peu de mes tensions 
                intérieures… » Ah ! si Voltaire avait pu leur dire tout 
                cela… 
                  
                Le 
                besoin que l’on a de la présence d’un chien, l’idée que l’on se 
                fait de sa relation avec lui et les croyances que l’on 
                entretient sur cet animal, organisent des schémas affectifs et 
                comportementaux qui vont façonner la plupart de ses réponses 
                adaptatives.  
                  
                
                Voltaire n’avait fait que répondre à ce qui lui avait été 
                proposé de vivre au sein de sa famille. Gérard et Rosine 
                « découvraient » que leurs propres conduites depuis l’adoption 
                de Voltaire, provoquaient chez lui des réactions émotionnelles 
                de satisfaction ou insatisfactions, auxquelles ils réagissaient 
                émotionnellement eux-mêmes, satisfaits ou insatisfaits.  
                
                Que c’était dans ce jeu relationnel qu’une régulation des 
                comportements de Voltaire était possible. Mais que le recours à 
                la sanction n’avait pas le pouvoir dissuasif attendu, d’abord 
                parce que l’animal était maintenu dans ce lien de dépendance 
                excessive, qui générait et alimentait sa détresse de solitude. 
                
                Voltaire, ni détraqué, retors ou malade, allait pouvoir évoluer 
                grâce à la meilleure communication que Gérard et Rosine lui 
                proposerait avec mon aide. 
                  
                Ces
                maîtres-là… avaient modelé ce chien-là, mais ils 
                allaient pouvoir en « faire » un autre chien avec un autre mode 
                de gestion de toute leur cohabitation. 
        Danièle Mirat - Caniconsultante 
                  
                
                Texte publié dans le magazine Atout chien n° 234  
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