Les conduites agressives liées à la nourriture
Parmi les nombreuses causes de conduites agressives des chiens,
celles qui surprennent souvent autant qu’elles déstabilisent
leurs propriétaires, sont liées à la convoitise ou
possession de nourriture.
(Convoitise ou possession d’objet, spécialement les jouets,
pouvant soulever le même type de comportement de l’animal)
Archaïquement, posséder de la nourriture représente la survie,
c’est pourquoi s’alimenter suscite le vif et légitime intérêt de
tout être vivant.
Quand il leur semble qu’il n’y aura peut-être pas de pain ou de
riz pour tout le monde, même des Hommes (êtres vivants les plus
évolués sur l’échelle de l’évolution) en viennent encore
aujourd’hui à s’entre battre, sur notre planète.
Même si de nos jours nos chiens n’ont plus à « se soucier » de
ce qu’ils vont manger, convoiter ou préserver une nourriture
reste pour eux déclencheur de plus ou moins vives inquiétudes,
et réactions en conséquence.
On peut
noter que meilleure est la qualité de cette nourriture, comme
des restes de table, os de boucherie, os en peau de buffle
-qui sont de vrais/faux jouet à ronger et manger- plus
l’agression est prononcée.
Les
menaces (grognements, aboiements) ou morsures du chiot ou de
l'adulte, qui défend ce qu’il considère comme son bien ou son
dû, peut s’exercer sur les humains comme sur ses congénères.
Pour exemples, et selon les contextes et circonstances, le chien
peut être conduit à :
-
Grogner et montrer les dents si ses propriétaires s’approchent de sa
gamelle quand il mange, ou qu’ils essaient simplement de
l’atteindre pour la remplir
-
Agresser
la main d’un membre de la famille qui veut ramasser un morceau
de nourriture tombé au sol (schéma très courant, sous ou près de
la table, lors des repas ou de leur préparation)
-
Grogner
ou mordre si l’on veut lui retirer de la gueule, l’ordure, la
charogne qu’il a ramassée en promenade, le fromage qu’il vient
de « chaparder » sur la table, ou bien le goûter des mains du
bambin de la maison, ou d’un enfant croisé dans la rue.
-
Attaquer
tout congénère, qui s’approche ou rôde chez lui près de sa
gamelle, ou tout autre congénère en promenade qui souhaite
s’approprier sa balle ou son bâton.
-
Prévenir
c’est guérir, avec pour mot clé : respect
Il est beaucoup plus facile d'éviter les conduites agressives
reliées à la nourriture, que de les traiter quand elles sont
apparues. Dès
l’arrivée d’un chiot dans la famille, si l’on constate déjà que le moment de la gamelle éveille
chez lui une agitation incontrôlable, loin de s’en amuser ou de
vouloir la contrer, il y a lieu d’organiser avec méthode, les
prises de repas de tous dans la famille.
Il
est indispensable de commencer par là, surtout si le chiot montre des signes de réactivité agressive.
La compétition pour s’alimenter dans une gamelle commune avec
d’autres chiots ou chiens chez son éleveur -ou dans sa
famille d’élevage- est peut-être le seul modèle qu’il
connaisse pour se nourrir. Les
craintes -et conduites agressives associées- du chiot
s’apaiseront rapidement, si sa nouvelle famille lui fait découvrir qu’il
n’a pas à craindre que sa nourriture lui soit reprise.
Tout animal doit être respecté quand il mange et cela implique
de lui offrir de s’alimenter dans les meilleures conditions de
calme et tranquillité.
En commençant très tôt à initier la confiance du
petit animal autour de la prise de nourriture, on prépare un
chien adulte qui ne se trouvera pas en nécessité de défendre
âprement une gamelle.
Pour les chiots les plus sensibles ou qui dans
leur élevage ont craint de manquer, il n’est rien de plus
inquiétant que des propriétaires qui donnent et retirent « exprès » la gamelle, ou pire
même, mettent les mains dedans pour « montrer qui est le
maître ! » Tout cela généralement retenu dans des lectures de
qualité discutable ou sur les conseils irresponsables de
l’entourage, pour n’aboutir qu’à éveiller la peur du chiot qui
peut alors réagir défensivement par des grognements et des
morsures si l’on insiste ! Ces mêmes dangereux « conseilleurs »
de renchérir, en préconisant dans ces cas, de saisir vivement le
chiot grogneur par la peau du cou, de le secouer et l’aplatir en
position de soumission !
Avec ces conseils que nous considérons comme brutaux et
inutiles, on risque fort de se faire mordre, tout en installant
avec l’animal une relation basée sur la crainte et la contrainte
physique.
Ce ne sont assurément pas ces démonstrations
autoritaristes qui permettent d’obtenir le respect naturel du
chien. Au contraire, loin d’user de ces méthodes d’un autre âge,
les propriétaires sont
inhibiteurs de conflits quand ils exercent sur leur chien une
influence et un contrôle rassurants et sécurisants.
Ne peut-on donc pas raisonnablement laisser tranquille un animal
qui mange, plutôt que de le soumettre au stress de lui disputer
une gamelle qu’il a tant attendue, pour le brutaliser ensuite
s’il réagit en grognant ?! (le plus souvent par peur d’ailleurs,
sans que cette émotion soit reconnue comme telle)
-
Rappel de
quelques règles élémentaires
Avec un chiot ou un adulte, craintif ou non, et qui a déjà
grogné autour de la distribution de nourriture, suivre quelques
règles avec rigueur, permettra de le voir s’apaiser.
On procèdera de même si l’on veut faire cohabiter
harmonieusement plusieurs chiens, ou introduire par exemple, un
chiot ou un chaton auprès de l'animal.
Pour un chiot ou un adulte plus paisible, on peut rester
attentif à ce que rien ne vienne l’inquiéter dans ce domaine,
sans être pour autant aussi rigoureux sur ces quelques règles :
-
Préparer
les repas de la famille ainsi que la gamelle du chien en
dehors de la présence de l’animal. A ces moments, la cuisine
est le lieu de sur stimulations pouvant entraîner une trop
grande excitation qui peut dégénérer, et de plus nuire à la
bonne assimilation de l’aliment absorbé par les chiens de
grandes races, sensibles aux torsions d’estomac.
-
Faire
manger le chien seul et tranquille dans une pièce fermée au
besoin, en lui laissant sa gamelle 10mn à ¼ d’h, pour la
ranger dès qu’il a terminé. S’il n’a pas tout absorbé, il est
impératif de ne pas laisser de « restes », mais de les ranger
pour les resservir au prochain repas. Cette consigne est à
observer avec rigueur pour 2 raisons :
-
d’une part, sa nourriture « qui traîne » peut éveiller chez le
chien le souci (légitime) de la défendre au passage de quiconque
à proximité (humain ou animal)
- d'autre part,
le chien va petit à petit, de lui-même et pour sa
bonne santé, mieux réguler son comportement alimentaire, en
vidant sa gamelle dans le temps imparti (à condition que lui
soit donné la quantité nécessaire -et pas trop- selon son âge et sa
condition physique)
-
Ne pas
prendre de repas à table en présence du chiot ou d'un chien
adulte, surtout s’il y a des enfants. La trop grande proximité
des aliments ne peut que susciter la convoitise et surexciter
l’animal qui va quémander ou se saisir de ce qui pourrait
tomber (les goûters ou plateaux télé sur table basse par ex.
peuvent être d’insupportables tentations canines, propres à
soulever vive agitation et dérives agressives, pour des
aliments trop à portée de l’animal
-
Ne pas
laisser la moindre nourriture à portée d’un chien -et
surtout pas d’un chiot- pour le qualifier ensuite de
« voleur »… Selon les codes sociaux canins, tout aliment dont
s’est détourné un congénère, représente « les restes » que
tout autre peut consommer. La poubelle
dans la cuisine, le sac de croquettes dans le garage, le
poulet resté sur la table, le paquet de biscuits oublié sur le
canapé, sont donc autant de « restes » que le chien peut
légitimement s’approprier si vous vous en détournez ne
serait-ce qu’un instant !
Le chien n’a pas « volé » mais pris un aliment à
sa portée, et la « bêtise » ce sont ses propriétaires qui l’ont commise, en s’en détournant !
Tout ce qui touche à la nourriture est donc une « affaire
sérieuse » pour un chien.
Ne pas en être conscient peut exposer à des conduites agressives
dont on sait qu’elles peuvent en être les conséquences,
spécialement avec des chiens de grande race.
Danièle Mirat -
Caniconsultante
Texte co-rédigé
avec Laurence Bruder Sergent
et
publié dans les magazines "Santé Pratique Animaux" et
"Molosses News" n° 36
Voir aussi: Bonheur des
uns, cauchemar des autres: les balades avec un molosse (et
possibles conduites agressives)
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