Qui a mordu, mordra... !
Le
chien n’est pas une mécanique agissant sans motivation au centre
de ce qu’il vit, et proférer sans plus de nuance et réflexion
qu’un chien qui a mordu remordra forcément est un raccourci bien
affligeant.
Alors
pourquoi ne pas plutôt se questionner davantage sur un tel
fait ?
Chien qui mord ou chien qui ne mord pas : il n’y a rien là de
constant et d’inchangeable dans les conduites agressives de cet
animal, ou dans leur absence d’apparition d’ailleurs.
Car tout chien peut en venir un jour à mordre, il suffit déjà
pour cela qu’il ait peur ou qu’il ait mal. Et chaque fois qu’il
sera remis dans les mêmes (ou proches) conditions où il avait
motif à mordre… alors il y a risque qu’il remorde.
Voilà qui semble suffisant pour chercher à comprendre ce qui
peut pousser un chien à une conduite agressive, pour veiller
ensuite à ce qu’il ne soit plus mis dans les conditions qui l’y
ont conduit. Dès lors ce chien ne remordra pas fatalement
puisqu’il n’y sera pas motivé.
A mieux y regarder
La peur, la douleur, une expérience antérieure traumatique, une
mauvaise organisation des relations avec ses propriétaires… sont
autant de raisons (parfois ajoutées) pouvant conduire un chien à
mordre.
Revisiter chaque conduite agressive en la replaçant dans son
contexte, fait apparaître qu’on aurait dû mieux y regarder avant
de cataloguer l’animal de méchant ou fou et mordeur à tout coup.
Cet examen minutieux n’est pas si simple et nécessite de bien
connaître les codes de comportements sociaux des canidés, de
remonter souvent jusqu’aux conditions de développement précoce
de l’animal et d’évaluer le système relationnel que ses
propriétaires ont mis en place dans leur cohabitation avec lui.
Cette recherche apporte une mesure de la plus ou moins grande
tolérance de ce chien à vivre certaines situations. Car c’est
bien de seuil de tolérance dont il s’agit et un exemple
éclairera mon propos (exemple courant de la cohabitation avec un
chien et qui peut prendre un tour des plus dramatiques qui
soient)
Ne jamais condamner sans comprendre
Vulcain n’a jamais vécu avec des enfants (ni dans son élevage,
ni chez ses propriétaires) et les approches souvent un peu
brusques et trop facilement démonstratives des bambins du
quartier ou chez les amis, ne le rassurent vraiment pas.
Un petit enfant court, saute, crie, lance des objets… C’est
ainsi qu’il apprend la maîtrise de l’espace et des choses :
c’est normal. C’est aussi parfois de cette manière qu’une
brusquerie enfantine déclenche une peur chez le chien.
Petit enfant on découvre, on touche, on tire, on tente… C'est
ainsi qu'on apprend et qu'on identifie : c'est normal. C'est
aussi parfois de cette manière qu’un animal est harcelé.
Devant ces situations, un chien peut commencer par menacer,
d’abord de manière discrète (oreilles baissées, grognements)
puis de façon un peu plus significative (museau froncé, dents
découvertes) : ce qui est tout aussi normal. Si l'enfant
comprend la menace et en tient compte en cessant de s’agiter et
en s’éloignant, tout peut bien se passer.
Mais un très jeune enfant ne sait pas encore reconnaître les
menaces dans les différentes expressions du chien, et comme il
ne modère pas ses actions, l’animal peut alors passer des
menaces à l’agression avec morsure.
Gageons que face à un bambin qui crie fort ou gesticule et le
malmène un peu, Vulcain réagira plus vite par des grognements et
peut-être une morsure (pour calmer cette agitation enfantine)
qu’un de ses congénères qui n’a pas peur du chahut de gamins
dont il supporte mieux les débordements.
Cela dit, n’importe quel chien et y compris le plus habitué, n’a
pas à endurer les agaceries d’enfants qui ne respecteraient pas,
par exemple, son repos ou sa gamelle !
Le plus permissif et le plus paisible des chiens peut
légitimement vouloir faire cesser un abus, et cela en grognant
et en mordant si sa menace n’est pas entendue, car il n’est pas
supposé devoir tout supporter.
C’est aux parents d’apprendre à leur enfant le respect d’un
animal et à ne jamais les laisser seuls sans surveillance.
Toute conduite agressive d’un chien ne doit donc pas être
considérée comme un comportement isolé, mais comme un élément
d’une situation toute entière, qu’il convient toujours de
chercher à comprendre.
Considérer par exemple qu’un chien « a simplement mauvais
caractère » quand il grogne (souvent ou même occasionnellement)
c’est déjà se voiler la face et s’exposer à une agression par
morsure au moment où l’on ne s’y attendra pas.
Par contre, si l'on s'interroge sur ce qui peut incommoder
l’animal qui menace de la sorte, on se protège d'une première ou
nouvelle morsure dans les mêmes circonstances, et l'on participe
à rendre fausse l’assertion selon laquelle: un
chien qui a mordu, remordra …
Réactions de peur
Les approches avec déplacements rapides et les cris des enfants
peuvent faire peur à un chien peu habitué à leur présence. De
même leurs étreintes spontanées et embrassades maladroites
peuvent être vécues comme des blocages insupportables, qui
conduiront l’animal à mordre pour faire cesser cette situation
contraignante.
Sa capacité à s’adapter (voire se plier) à ces comportements qui
ne lui sont aucunement familiers, ne sera pas aussi grande que
celle d’un de ses congénères habitué à mieux gérer sa
cohabitation avec des enfants.
Enfants (et adultes aussi) : une nécessaire mise en garde
Nous devons tous ajuster nos contacts à la familiarité dans
laquelle on est (ou pas) avec un chien, à sa morphologie robuste
ou délicate, ainsi qu’à son âge (un chien délicat ou âgé peut
réagir vivement sous la douleur d’une simple caresse).
Sur tous ces aspects, les enfants doivent tout particulièrement
être mis en garde précocement et pas question d’aller caresser
le chien du voisin et encore moins étreindre un chien croisé en
balade comme celui de la famille !
L’absence de toucher et l’approche neutre mettent adulte ou
enfant à l’abri des morsures pour aborder les chiens peu ou pas
connus (surtout les plus craintifs !) La plus grande réserve ou
neutralité est préférable en attendant de savoir si l’animal est
confiant ou craintif d’une part, et bien sûr s’il est animé
lui-même d’une envie d’entrer en contact ou pas.
Danièle Mirat Caniconsultante
Texte publié dans le magazine Atout chien n° 241
Voir aussi: les conduites agressives
Voir
aussi: les conduites agressives liées à la nourriture
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