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"Chats et molosses: ils peuvent faire bon ménage"

 

 

L’expression populaire « s’entendre comme chien et chat » dont le sens n’échappe à personne, suggère que les relations d’individus de ces 2 espèces sont plutôt conflictuelles.

Les chiens (les molosses en particulier) et les chats s’entendent-ils si mal ? Certains sont pourtant les meilleurs amis du monde…

Sur quoi repose alors leur paisible cohabitation ? et comment peut-elle se réaliser ?

 

Des codes de communication différents 

 

A leur origine, chiens et chats n’étaient pas fait pour cohabiter, encore moins pour s’entendre, et c’est l’homme qui a pourtant fait vivre ces 2 espèces ensemble, en grande promiscuité parfois.

Leur compréhension mutuelle des émotions et des intentions n’est pas facilitée, l’un et l’autre n’ayant pas les mêmes codes de communication : postures, mimiques ou sons émis peuvent avoir des sens différents … Et l’on peut observer que certains de leurs signaux, pourtant presque identiques, expriment en réalité des états et donc des messages parfois complètement opposés.

Assurément, ce sont là des sources de malentendus, ne favorisant pas l’harmonie des relations ! 

En ne s’en tenant par exemple qu’aux mouvements de leur queue, chiens et chats expriment justement des émotions contraires.

Chez le chien, les battements de la queue de gauche à droite, indiquent à un congénère sa franche sympathie à son égard, l’envie de jouer ou le bien être, alors que chez le chat cela signifie l’agacement, voire clairement l’hostilité (bien sûr les mouvements de la queue d'un animal seront toujours à inclure dans le reste de ses attitudes corporelles et émissions sonores éventuellement associées, pour confirmer l'interprétation à en faire).

Le molosse «mal informé» des codes du petit félin pourrait prendre ce mouvement pour un signe d’humeur joviale. En retour, il risque pourtant de se voir accueilli à coups de griffes !

D’autres possibilités de méprise et contre sens sont envisageables avec d’autres postures, tout aussi difficilement déchiffrables pour l’un et l’autre.

Le molosse qui n’a jamais rencontré de chat, peut ne pas comprendre tout de suite la frayeur du minou qui s’époumone en lui crachant dessus pour l’éloigner. Un coup de patte est parfois la seule défense qui reste au chat qui voit s’approcher dangereusement le chien, tout heureux de trouver un nouveau compagnon !

Seule une familiarisation précoce des deux espèces l’une à l’autre, chez l’éleveur ou la famille de naissance, aide plus tard le chiot ou le chaton à une approche confiante entre félidé et canidé.

Par la suite, c’est beaucoup plus simple pour chacun de comprendre l’autre et d’éviter les quiproquos.

 

La socialisation du très jeune âge : l’indispensable condition

 

Pour permettre une habituation d’une espèce à l’autre, il est important de connaître et de comprendre l’importance de ces quelques premières semaines de vie d’un chiot ou d’un chaton, que l’on appelle période de socialisation.

Ce temps de la socialisation est une période courte. Son rôle :  développement de la motricité, régulation des émotions, mais aussi imprégnation à l'espèce et familiarisation à des êtres proches. Un temps où l’adaptation est facile et permet entre autre au chiot ou au chaton :

  • "l’identification" à sa propre espèce ou à l’espèce qui a été présente durant cette période.

  • l’attachement ou la familiarisation à d’autres espèces et individus.

  • L’identification de tout ce qui est non familier, inconnu et donc redouté ou qui implique une méfiance.

Au cours de cette période, s’étirant de la 2ème et la 16ème semaine pour certaines races molossoïdes (et jusqu’à 9 semaines pour le chaton) le développement du cerveau de l’animal dépend directement de son environnement : plus celui-ci est stimulant, plus le cerveau se développe et grossit.

Pour le chiot comme pour le chaton, le manque de stimuli extérieurs ne favorisera pas des capacités motrices, tactiles, visuelles, auditives et olfactives performantes pour plus tard.

Par contre des contacts corporels, de la lumière, des bruits, des odeurs, puis des interactions avec les congénères d’abord (et d’autres espèces ensuite) viendront forger, sculpter et programmer richement leur cerveau (+ de sollicitations et stimulations conduisant à + de connexions neuronales, et plus tard à + de facilité à intégrer l’inconnu).

Un chien ne sait pas instinctivement qu’il est un chien. C’est la vie en communauté avec sa mère et ses frères et sœurs qui lui ont d’abord permis de "s’identifier" à sa propre espèce. Identification lui faisant reconnaître plus tard un canidé pour partenaire sexuel, et ne pas courtiser un chat au lieu d’un chien ! Ce qui arrive parfois lorsque le chiot a été élevé très tôt par une chatte. Il s’est alors "identifié" à l’espèce « chat » !

Au cours de cette période de forte attraction sociale, si un chiot ou un chaton naît dans un milieu où vivent déjà (ou sont introduits) des humains, d’autres chiens ou chats, des hamsters, des oiseaux, des poissons etc.: il y sera habitué et socialisé. Cela signifie entre autre, qu’il n’identifiera pas ces animaux comme des espèces ennemies ou des proies potentielles, mais bel et bien comme des espèces amies. C’est donc le moment le plus propice pour le préparer à tout ce qu’il sera amené à rencontrer dans sa vie future, et ce pour aisément faire face à une infinie variété de mode de vie où il voisinera sûrement avec une grande diversité d’espèces animales.

Tout le vécu de cette période est gravé pour la vie et aura des retentissements sur le futur comportement de l’adulte.

Le but est donc que toute découverte en général soit vécue agréablement, et que toute rencontre soit joyeuse et amicale. Car si le petit molosse venait à faire une trop mauvaise expérience avec l’un de ces êtres vivant pendant ces quelques semaines, il sera bien difficile d’en effacer la trace. Un long travail de patience sera alors nécessaire pour désensibiliser l’animal, et sans complète garantie d’y parvenir (même chose s’il s’agit d’un chaton)

 

Renforcer les acquis : il n’y a pas de temps à perdre

 

Le développement comportemental d’un chiot (ou d’un chaton) dépend directement du développement du cerveau (lui-même fonction de la richesse des stimulations sensorielles reçues), et donc des acquisitions précoces.

C’est tout particulièrement entre sa 3è et 8è semaine que le petit molosse curieux de tout, a la plus grande capacité à se familiariser facilement à toute forme nouvelle.

Nous l’avons dit, le temps est limité pour faire ces acquis de base, car passé la 9è semaine pour un chaton (et la 16è semaine pour un petit molosse) le jeune animal risque de se montrer moins amicalement curieux (voire peut-être craintif ou même hostile) avec toutes les espèces (ou choses) auxquelles il n’aura pas été familiarisé.

Cela peut aller jusqu’à déclencher des peurs qui peuvent paraître irrationnelles aux personnes non averties, et leur faire s’exclamer « mais n’ait pas peur, ça n’est qu’un chat ! ou un balai ! ou une poussette ! la liste peut être longue… !

 

L’idéal est donc d’acheter un chiot qui aura déjà pu bénéficier de la plus large socialisation, et surtout au chat, si l’on souhaite une bonne cohabitation avec cette espèce.

Cela ne dispense évidemment pas de poursuivre et si possible de renforcer cette socialisation, par des rencontres et interactions, même si l’on ne souhaite pas avoir de chat à la maison dans l’immédiat. Qui sait si cela n'arrivera pas un jour pas ou si lors des prochaines vacances, il n’y en aura pas à proximité du lieu de villégiature (pour l’acquisition d’un chaton, même soucis bien sûr, de savoir s’il a pu bénéficier de rencontrer amicalement l’espèce canine).

Mais attention : avoir été familiarisé à un chat ne signifie pas pour autant l’être à tous les chats. Un molosse peut gentiment papouiller le chat blanc de la maison, et se mettre à poursuivre et chasser un chat noir qui lui est inconnu (surtout si celui-ci se met à courir « comme un lapin ! » déclenchant l’instinct de poursuite du chien).

De la même manière, si votre chat n’à été habitué qu’à un Cavalier King Charles, peut être fuira-t-il de peur devant un Huskie ou un Bull Terrier. D’où l’importance de présenter très tôt au jeune molosse ou au chaton différentes variétés de chiens ou de chats (et même de lui faire rencontrer des humains de tous genres: adultes, âgés ou ados, enfants, bébés, et même de différentes couleurs de peau) Tout cela pour l’aider à aborder plus facilement les diverses morphologies en général.

Tout est donc apprentissage, et s’il ne faut pas attendre pour faire faire au chiot de multiples expériences, il faut surtout les renforcer tout au long de son adolescence et au moins jusqu’à l’âge de 2 ans.

 

Le miracle de l’instinct maternel

 

Chattes et chiennes ont un instinct maternel particulièrement fort. Lorsqu’elles mettent bas, elles sont capables de prendre en charge et d’élever, en plus de leur portée, des petits qui ne sont pas de leur propre espèce. C’est ainsi que l’on peut voir une chienne allaitant et bichonnant des chatons ou à l’inverse une chatte nourrissant un jeune molosse !

Même une chienne ne connaissant pas bien les chats peut tout à fait adopter des chatons si elle-même a eu une portée de chiots, ne voyant pas en eux des chats, mais des êtres immatures qu’il faut nourrir et protéger.

Nous avons observé également ce comportement venant de chiennes n’ayant jamais eu de portées, mais ayant probablement été socialisées au chat. C’est l’instinct maternel qui prime alors sur les peurs ou les instincts de chasse. Inutile de préciser que ses petits protégés feront toujours partie de leur famille et seront défendus même lorsqu’ils grandiront.

Cela devient comique quand c’est Minouchette qui a materné son jeune molosse et  qui fait le gros dos et crache sur un intrus, protégeant de tout son cœur son  « bébé » Rottweiler devenu pourtant trois fois plus grand qu’elle !

 

Les faire se rencontrer

 

Introduire un petit molosse auprès d’un chat adulte est tout à fait envisageable. Minet aura le temps de s’habituer avant que le petit ne grandisse et n’aboie suffisamment fort pour l’effrayer. L’important est de laisser le chat poser lui-même ses limites au chiot turbulent, ainsi que la possibilité de s’isoler comme il veut.

Introduire un chaton avec un molosse qui lui n’a pas été familiarisé à l’espèce chat, peut s’avérer plus difficile. Il y a intérêt d’une part à ce que le chien soit bien sous le contrôle de ses propriétaires et d’autre part à faire appel à un Caniconsultant pour aider.

Introduire un molosse adulte auprès d’un chat lui aussi adulte est une opération bien plus difficile encore. Cependant si le chat a été correctement socialisé à un grand nombre de stimuli et que globalement il n’est pas peureux, alors il y a un espoir. Encore vaut-il mieux lui présenter un chien particulièrement calme et doux dans ses attitudes et déplacements, pour qu’il puisse s’y habituer lentement jusqu’à ne plus le craindre.

On pense bien souvent que plus le chien est gros, plus le chat en aura peur. C’est vrai lorsque le chat n’est pas socialisée aux chiens, mais on peut tout à fait faire cohabiter de petits chats avec des chiens de grand gabarit dès lors qu’ils ont grandis ensemble. Le principal n’est pas la taille du chien, mais bien son comportement. Or les molosses, malgré leur mauvaise réputation, ne sont pas les chiens les plus hargneux et excités. Minet devra apprendre tout de même à ne pas courir, car cela risque nous l’avons dit, de déclencher l’instinct de poursuite de Brutus, plus développé chez certaines races de chiens génétiquement sélectionnées pour leur talent de chasseur ou de défense.

Dans ces différentes mises en présence, les attitudes des propriétaires sont bien sûr capitales. Suivant que l’on fait se rencontrer des individus de ces 2 espèces, adultes ou jeunes, socialisés précocement ou non comme décrit plus haut,  les risques sont donc divers.

Ne pas « forcer » l’un ou l’autre lors de la 1ère confrontation est indispensable (en tenir un ou les deux !! dans les bras, met chacun des deux animaux dans l’inconfort assuré. Par contre, leur offrir de pouvoir se découvrir, se flairer, s’évaluer sur un espace où chacun d’eux pourra s’avancer à sa guise ou se retirer pour apprendre à gérer sa crainte, et cela en intervenant le moins possible, optimise les chances d’une rapide familiarisation.

La peur de voir « le gros » (chat ou chien) griffer ou mordre férocement « le petit » est légitime, mais on a vu ce qui pouvait favoriser l’entente facile ou au contraire rendre les choses compliquées.
En conclusion, prendre connaissance d’une mutuelle socialisation du jeune âge des 2 espèces, chat et chien, et leur offrir dans la mise en présence les meilleures conditions de se connaître et « s’apprendre » librement, garantira la future harmonie des relations.

 

Danièle Mirat en co-rédaction avec Florence Cailliot d’Ivernois

 

Texte publié dans le magazine "Molosses News" n°34